vendredi 24 juillet 2020

Métal acoustique - pour la création d'un nouveau genre musical

Un genre musical peut-il dépendre d'une technologie ? Autrement dit la musique métal doit-elle recourir à l'électricité ? Je suis convaincu que non et qu'on peut faire du métal sans électricité.

Il est vrai que l'amplification électrique a transformé la musique : une guitare électrique non branchée fait un son très faible en volume et en harmonie. Mais une série d'accords ou de notes peuvent très bien rendre sans amplification.

Lofofora, un grand groupe de métal français, a même enregistré un disque entièrement acoustique. Je l'aime beaucoup. La voix du chanteur Reuno reste puissante, la batterie reste vigoureuse. Le groupe y gagne en chaleur et en originalité.

 Ne pas recourir à l'électricité peut paraître une contrainte (faible volume, bend beaucoup moins impressionnant, pas de larsen), mais cette contrainte ouvre de nombreuses possibilités inexplorées : un powerchord a peu d'intérêt sans amplification : on peut tout à fait trouver de la puissance dans le son en recourant à des accords plus subtils qu'au powerchord !

Dans la perspective qui est la nôtre - un monde qui se rabougrit en énergie -, faire du métal sans électricité est même une nécessité pour la survie du genre.

Making of du clip vidéo : reprise de la chanson des Beatles "I want you (She's so heavy)"

Amateur éclairé de jeux vidéo et de musique, j'ai essayé de concilier mes deux passions. J'ai donc réalisé un clip musical où les jeux vidéo servent d'univers, parce que le réel et le virtuel sont désormais liés inextricablement. Dans cet article, je vous explique comment j'ai réalisé l'ensemble. Cela pourra vous servir à mieux comprendre l’œuvre mais aussi à avoir des idées pour vos propres créations.
Voici le résultat :


La musique :

Le morceau d’origine est écrit pour deux guitares et une basse. Je l’ai adapté pour mon instrument : une basse électroacoustique. Le son qu’on entend est la combinaison des deux sorties de l’instrument : le son acoustique et le son électrique. J’ai transformé l’instrumentation pour que la basse joue à la fois la mélodie et les accords. Avec une économie de moyens, j’essaie d’obtenir un son riche et complet.
J’ai écrit aussi la partition de batterie, mais n’ayant pas de batterie, le son provient d’un instrument virtuel. Il faut remarquer une particularité dans le tempo : pour m'entraîner j'ai travaillé avec métronome, mais pour enregistrer et obtenir un rythme naturel, j'ai enregistré sans métronome. J'ai calé ensuite les percussions sur le rythme vivant.
Pratiquant la chorale depuis quelques temps, je suis devenu amateur de polyphonie. La voix est donc toujours doublée, non pas toujours à la tierce, mais jusqu'à la septième (pour la fin surtout).
Pour les paroles, John Lennon s’est vanté d’avoir écrit une chanson intense de presque 8 minutes avec seulement 14 mots. J’ai ajouté quelques mots pour élargir le sens et suis plus proche des 7 minutes.

La vidéo :

Dans la vidéo, j’ai utilisé plusieurs techniques :

  • J’ai installé deux appareils sur trépied pour me filmer devant un drap vert, pour utiliser la technique du « green screen »
  • Les décors proviennent de deux jeux vidéo :
    • Le décor du vaisseau spatial vient de Dead Space 3, un jeu d’horreur qui se passe dans l’espace. J’ai trouvé sublime cette fenêtre qui ouvre sur une immensité inhumaine. J’ai légèrement modifié les couleurs pour qu’elles soient plus chaleureuses.
    • Le décor de l’île flottante paradisiaque provient de The Talos Principle, un jeu de réflexion et d’énigmes.
  • J’ai superposé les deux vidéos pour qu’on ait l’impression que je suis dans le vaisseau et sur l’île.
  • Pour donner de l’ampleur à la scène et éviter de rester cloîtré à l’intérieur de la salle du vaisseau, j’ai modélisé une fusée avec un logiciel de modélisation 3d. Avec un séquenceur vidéo en temps réel utilisé aussi bien pour créer des jeux vidéos que des films ou des publicités (Unreal Engine), j’ai pu intégrer la fusée et quelques objets pour recréer la salle de Dead Space. J’ai intégré la vidéo de moi sur fond vert comme un objet dans cet univers. J'ai aussi créé une interface de navigation fantaisiste (le pouvoir de Powerpoint) dans la fusée pour qu'on comprenne mieux les problèmes qu'elle va rencontrer.
    • Grâce à ces différents moyens, j’obtiens une liberté complète de placement et de déplacement de la caméra. Dans le jeu vidéo d’origine, l’espace est assez fermé et plein de cloisons, ce qui empêche d’avoir une vue d’ensemble. J’ai fait de même avec la scène paradisiaque, sauf que The Talos Principle fournit lui-même un éditeur d’univers. J’ai seulement ajouté un objet statique qui a ma forme (malheureusement cet éditeur ne permet pas d’incruster des vidéos).
  • J'ai essayé de travailler les transitions entre les différentes séquences 
    • pour qu'on découvre et comprenne peu à peu chaque lieu, 
    • pour que l'enchaînement des techniques ne se voie pas
    • et pour qu'on comprenne qu'on ne change pas d'endroit même si on change de technique !

Pour le sens général, je le laisse libre : serez-vous effrayés ou tranquillisés ? ravis ou repoussés ? J’espère en tout cas que la musique et la vidéo vous plairont !

***



Quelques captures d'écran :


1 - Enregistrement vidéo initial
2- Modélisation 3d de la fusée
3 - Intégration de la vidéo dans l'univers virtuel sans couleur verte
4 - Intégration d'un plan découpé dans l'éditeur Talos Principle








samedi 18 janvier 2020

Les toilettes dans les jeux vidéo : l'exemple de Goldeneye 64

Je réfléchis beaucoup en ce moment aux toilettes dans les jeux vidéo. Pourquoi en voit-on tellement ? Sont-elles un symbole ? Elles ont rarement une utilité dans le gameplay, rarement les personnages ont une jauge de "besoin urgent", mais on voit régulièrement des toilettes dans les environnements. Pourquoi ? Une intuition me vient à l'esprit : y aurait-il plus de toilettes représentées dans les jeux vidéo que dans tous les autres arts ? Les amateurs de jeux vidéo seraient-ils plus scatophiles que les cinéphiles ou les amateurs de littérature, ou bien est-ce une autre raison ? Les jeux vidéo seraient-ils plus réalistes que les films, en reproduisant la vie quotidienne jusque dans ses détails les plus vils et anodins ?

Mon souvenir le plus lointain remonte à Goldeneye 64. Les toilettes y ont plusieurs intérêts, le plus grand étant peut-être celui d'évoquer une scène similaire dans le film Goldeneye :

(extrait pris à https://youtu.be/dLF3XDHKm9Y )

Il faut retenir plusieurs points de cet extrait vidéo : les toilettes font partie du plan d'infiltration de James Bond. Bond n'arrive pas par la porte d'entrée mais par une entrée détournée, par le point faible du système de défense ennemi. Dans quel lieu est-on plus désarmé et faible que les toilettes ? Le deuxième intérêt est le comique de la scène. L'acteur Pierce Brosnan, réputé pour son sérieux infaillible, se permet de sourire. Il jubile de surprendre son ennemi avec tant d'audace. Retenons enfin la disposition des lieux. Des urinoirs au centre, des cabines de chaque côté, une rangée de robinets faisant face à la porte de sortie. Après la porte, une petite plateforme qui mène à gauche (du point de vue de James), et en face, un escalier qui fait un angle droit.
Voyons maintenant le jeu :


Le jeu reprend-il ces trois éléments à l'identique ? L'infiltration est peu poussée, le jeu ne permet pas de contourner les ennemis, de les assommer ou de les endormir. Il reste qu'on s'en débarrasse avec un pistolet à silencieux. L'amusement est plutôt excitation, du fait que le lieu est aussi effrayant, les ennemis surgissant de tous les côtés et la jauge de vie étant irréversible. Il y a du plaisir néanmoins à jouer avec les portes, les ouvrir, les fermer, visiter les cabines. En trouvant un fusil dans l'une, on retrouve la fonction d'inventaire des toilettes (voir la référence en sitographie). La disposition du lieu ressemble beaucoup à celle du film. Les urinoirs centraux gagnent une fonction : de se dissimuler pour éviter les tirs ennemis. Une légère différence repose sur la lumière. Le lieu était plus sombre dans le film, cela pouvait évoquer indirectement une plus grande saleté. On apercevait de même un peu plus de peau dans le film, la peau du dos de celui qui urine, la peau des jambes de celui qui est surpris sur son trône. A l'inverse, les toilettes du jeu paraissent très propres, très éclairées et les personnages restent toujours tout habillés.

Dans la version remasterisée de Goldeneye Source, les toilettes ont fait l'objet d'une grande attention. 


De nombreux détails ont été ajoutés: des dérouleurs de papier, des lampes crédibles, des miroirs ...

Pour répondre à nos questions de départ donc, le jeu vidéo et le film Goldeneye jouent sur des fonctions très similaires des toilettes. Le plaisir de l'un n'est pas tout à fait au même endroit que le plaisir de l'autre, mais l'originalité des deux scènes les rend mémorables.


Sitographie :
http://www.jeuxvideo.com/news/1063170/un-dossier-a-mettre-sur-le-trone-les-toilettes-dans-le-jeuvideo-video.htm

NB : comment jouer à Goldeneye 64 en 2020 ?
J'ai trouvé trois solutions :
- un émulateur en ligne, qui souffre de ralentissements mais est assez stable et permet d'enregistrer et de charger sa partie où l'on veut : https://roms.download/rom/nintendo-64-007-golden-eye/
- un émulateur à télécharger, avec un fichier ROM à trouver. On peut affiner les textures et choisir la résolution de l'écran. J'ai néanmoins souffert de nombreux blocages à cause du plein écran. C'est cette version que j'ai préférée, pour sa plus grande personnalisation et fluidité.
- la version remasterisée Goldeneye : source, qui n'est pas le jeu de 64 mais une version construite à partir de zéro : https://geshl2.com/client-downloads/ Si l'on possède un jeu qui tourne sur ce moteur graphique (autour d'Half-Life 2), l'installation directe suffit, sinon il faut télécharger aussi "Source SDK Base 2007". La carte à charger est "facility", elle existe en plusieurs versions, plus ou moins remastérisée. Ce jeu ne propose que des cartes fermées, adaptées au jeu multijoueur et non scénarisé.

samedi 29 avril 2017

Les églises dans les jeux vidéo

A la suite de notre souhait de fonder une véritable étude du contenu des jeux vidéo, et non seulement de leur mode de production, après nous être intéressé aux nombreuses bibliothèques fascinantes dans les jeux vidéo, abordons à présent la présence des églises. La présence d’églises dans les jeux vidéo n’a pas vraiment de rapport à une foi quelconque, mais elle n’est jamais anodine.

Présence des églises

Il y a quatre sortes de jeux : ceux où l’on voit des églises et ceux où l’on n’en voit pas. Dans les jeux où l’on en voit, il y a ceux où l’on voit seulement l’extérieur de l’église, sans jamais pouvoir y entrer, ceux où l’on voit seulement l’intérieur, parce que des éléments caractéristiques d’une église se trouvent dans une salle (vitraux, chandeliers, crucifix, musique d’orgue), et ceux où l’on voit l’intérieur et l’extérieur, le plus intéressant à nos yeux. Il faut également distinguer l'église du temple : ce qui nous intéresse ici c'est le bâtiment, non le culte.
Dans Age of Empires, le joueur reste toujours à l’extérieur des bâtiments, bâtiments qui créent par magie et par convention des êtres humains. Il en va de même pour les églises (nommées « monastères », alors que le bâtiment ressemble bien à un lieu de culte isolé et non à un ensemble de bâtiments qui servent de lieu de vie). Notons que chaque civilisation a sa propre forme d’église et que certaines merveilles, sorte de bâtiment très long à construire mais qui peuvent vous donner la victoire, sont des bâtiments qui évoquent des cathédrales.
Dans les jeux gothiques à la japonaise des éléments d’église se retrouvent, comme dans les Castlevania, les Devil May Cry ou Final Fantasy. On ne sait pas toujours si le personnage est dedans ou dehors, surtout dans les jeux de plateforme en 2d.
Dans les jeux à la 3e personne, les églises font également partie du paysage. Notons la belle reproduction de l’église Saint-Patrick de New York dans GTA IV.
Un sort particulier est fait aux églises dans les Assassin’s Creed, jeux certes violents mais très ancrés dans une atmosphère religieuse. Parfois on ne voit que l’extérieur, parfois on a la chance d’entrer. Celle qui nous a le plus marqué est la Sainte Chapelle de Paris dans Unity, mais on trouve aussi de belles églises dans la Rome de Brotherhood et l'Italie d'Assassin's Creed II.



Assassin's Creed 2 : la cathédrale de Sienne
 

Assassin's Creed Unity : l'intérieur de la sainte Chapelle
 
 

Assassin's Creed Unity : la cathédrale de Paris

 
La licence la plus étonnante est peut-être celle de l’éditeur Lucasfilm des années 90. Les églises sont présentes dans plusieurs jeux, avec des fonctions très étonnantes, une très remarquable dans Monkey Island, premier du nom, plusieurs dans Indiana Jones and the last Crusade et une apparentée dans Loom. Les églises ne sont pourtant pas dans tous les jeux de cet éditeur : aucune dans Monkey Island 2, Zak ou Maniac Mansion. La présence d’églises dans les trois premiers jeux cités permet de les rassembler en un groupe, avec une unité esthétique, probablement due à des développeurs communs.

Description des églises

Dans les jeux Lucasfilm, les églises sont structurées de la même manière : un vitrail central en face, sur le mur du fond, et une salle disposée en symétrie de miroir. Cette structuration est la plus classique et la plus attendue, c’est celle de la mignonne église du village de l’île de Mélée dans Monkey Island. Mais cette structure permet aussi de considérer comme églises des bâtiments qui ne paraissaient pas, vues de l’extérieur, des églises, comme la bibliothèque d’Indiana Jones, avec son vitrail, le temple du Graal, avec sa symétrie, mais aussi la salle du conseil de Loom, avec ses colonnes et ses vitraux : d’ailleurs la comparaison montre que les vitraux mignons de Monkey Island sont en réalité les mêmes que ceux inquiétants de Loom ! Dans Monkey Island l’imagination se plaisait à imaginer un dessin abstrait, où différents traits et couleurs se rejoignent en un centre, symbolisant peut-être l’union des différences, ou la cohérence des mystères. Dans Loom ce serait plutôt un gros insecte vu de dos, comme une cigale, de la même famille que l’évêque « Mandible » qu’on rencontre plus tard.

Stainted glass in video games
Document réalisé par nous-même, tout réutilisation autorisée

Une musique commence lorsque l’on entre : des accords tenus et harmonieux qui évoquent l’orgue et mettent immédiatement dans l’ambiance d’une église.
On pourrait penser que cette belle symétrie cache une intention de système, d’enfermement, mais il n’en est rien : les salles nazies dans Indiana Jones and the Last Crusade ne sont pas symétriques ! De plus, si le personnage jouable entre en général sagement par la porte, d’autres personnages entrent et sortent par d’autres entrées imprévues : ainsi le vitrail de Loom est-il brisé par une intrusion, de même que le capitaine LeChuck sort par le toit, après avoir éjecté Guybrush.

Fonction des églises

Elles ont une fonction esthétique indéniable. Si l’on veut intégrer une belle salle dans un jeu vidéo, on a le choix entre le manoir et l’église. Les églises sont des lieux soignés, colorés, décorés d’objets précieux, de fenêtres ornées. Le mieux serait de trouver une chapelle dans le manoir, ce qui est rare.

église mystérieuse dans The Vanishing of Ethan Carter
 
Elles ont rarement une fonction cultuelle désintéressée. Les plus désintéressées seraient peut-être dans les Age of Empires, où elles favorisent le clergé : l’on peut y fabriquer des moines ! Ces moines ont des fonctions presque religieuses, de guérison et de conversion, au service néanmoins de l’impérialisme constitutif du jeu. Ils peuvent en effet guérir les autres personnages, c'est-à-dire remonter leur nombre de points de vie, ainsi que convertir les ennemis, non pas à notre religion mais à notre civilisation : un soldat reste un soldat, même après conversion, il change seulement de camp. La merveille n’est pas non plus désintéressée : le mode de jeu par défaut autorise la victoire du joueur qui aura terminé de construire une merveille et l’aura défendu pendant un certain nombre d’années.
Bien que nous n'affectionnions pas le genre des RPG pleins d'effets de lumières et d'items à accumuler tous si géniaux qu’on finit toujours par les balancer par-dessus bord, et que de ce fait nous ne pouvions en parler très en détail, le sujet des églises inspire les amateurs de magie. Notons que dans les Baldur’s Gate, faire des dons aux moines permet d’améliorer sa réputation, ce qui nous paraît un bon compromis avec l’esprit de commerce. Dans les Elder Scrolls, on peut obtenir différents bonus de guérison en se rendant dans des chapelles. Dans The Witcher, les bâtiments des églises ne semblent pas vraiment avoir d’intérêt en eux-mêmes. C’est plutôt le fanatisme des appartenances qui est mis en valeur.
L’église est aussi le lieu de célébration des grandes étapes de la vie, surtout le mariage, dans Monkey Island 1 et dans GTA IV. Mais comme toujours dans Monkey Island, les attentes sont renversées : alors qu’on attendrait un mariage entre Guybrush et Elaine, aucun des deux n’est présent au début du mariage. On assiste en réalité au début du mariage de LeChuck avec une fausse mariée, consistant en deux singes déguisés. Leur mariage sera troublé par l’entrée du héros Guybrush, par la porte, et celle d’Elaine, par le toit (enfin il faut imaginer que c’est par le toit, comme si les personnages étaient dans un cube, alors que l’espace en 2D, fait de plans superposés, permet une arrivée par le haut, simulant une profondeur par l’évolution de la taille des personnages). La relation entre les deux amants se trouve bien plus favorisée sur le pont au-dessus de la mer, qui relie la ville à l’île. Ce pont permet la première déclaration d’amour entre les personnages et l’ultime demande en mariage, c’est lui qui ponctue les grandes étapes de l’amour de Guybrush et d’Elaine, non pas cette église.

De même l'église de GTA IV n'échappe pas à la loi de la jungle qui règne dans ce jeu. Après le mariage du cousin Roman, la violence ressurgit, avec deux options, selon une décision que l'on a prise antérieurement : soit la fiancée de Nico se fait assassiner, soit son cousin.
 
Le mariage dans GTA IV (captures d'écran YouTube)
L’église reçoit aussi une fonction de mystère, c’est un lieu énigmatique, ancien, voire occulte : on y trouve des énigmes dans les Assassin’s Creed et Indiana Jones.
Pour conclure, nous confirmons que les églises dans les jeux vidéo ne représentent pas un espace sacralisé. En plus de pouvoir entrer et sortir par les côtés et le haut, l’église de Monkey Island ne préserve pas du mal : un personnage à l’allure démonique est chargé de célébrer le mariage honni du fantôme LeChuck avec l’épouvantail d’Elaine. De même dans Assassin’s Creed, on peut escalader partout sans aucune génuflexion.


Images

Age of Empires


Castlevania


Indiana Jones and the last Crusade





Loom




 
 
Les images la plupart du temps sont nos captures d'écran. Pour les images d'arrière fond, ou "background", elles sont fournies par ce site fabuleux : http://adventuregamesbackgrounds.blogspot.fr/search/label/IJ%20Last%20Crusade


jeudi 27 avril 2017

Paris dans Call of Duty Modern Warfare 3

Du temps a passé depuis notre article sur Paris dans les jeux vidéos. Un grand jeu est venu combler le vide : Assassin's Creed Unity, qui reproduit remarquablement le Paris de la Révolution, avec ses monuments grandioses, ses rues sales, ses passants (qui bizarrement parlent anglais).
 
Une mission du mode solo de Call of Duty : Modern Warfare 3 se situe à Paris. C'est la raison pour laquelle nous avons acquis ce jeu et réussi à accéder au niveau, étant obligé d'éliminer au passage de méchants terroristes tout autour de la planète (notons aussi un niveau à Londres et un à Hambourg). Le niveau de Paris est fabuleux : ambiance parisienne, rues typiques, commerces, restaurants, catacombes, services anti-terroristes. Nous y voyons jusqu'aux menus de déjeuner !
 
L'image de Paris est globalement celle perçue par un touriste : c'est le Paris des grands monuments, tour Eiffel et Sacré-Cœur de Montmartre, enseigne art-nouveau du "Métropolitain", boutiques de souvenirs et t-shirt "I love Paris". A cause de l'attaque chimique qui vient d'avoir lieu, on ne rencontre pas tellement de Parisiens. Les seuls Français qu'on rencontre sont du GIGN, brigade anti-terroriste dont les membres ont un nom bien français, comme "Perilloux". Mais c'est aussi le Paris des petites rues typiques auxquelles on n'accède pas en car. Le jeu va donc plus loin et montre une véritable recherche sur le terrain. Ainsi la place Dalida du quartier de Montmartre, qui existe réellement, a été modélisée partiellement, avec ses escaliers et ses immeubles. Nous parlerons plus bas du Trocadéro.
Un espace nous a particulièrement plu : une librairie, dans laquelle de nombreux titres de livres sont lisibles, malgré un état général de dévastation suite à un affrontement particulièrement coriace avec de vrais méchants, qui s'est ajouté à l'attaque chimique. Ainsi le sol de la librairie est jonché de corps et de fumée verdâtre toxique. La librairie semblait pourtant très agréable, avec de petits présentoirs, des espaces intimes, des tables pour lire tranquillement et déguster une boisson chaude.
Nous avons aussi remarqué, au-delà du patchwork de détails typiques, un souci de la géographie d'ensemble, pas vraiment avec la place Dalida, qui est très loin des catacombes et qui ne contient aucun kiosque ou restaurant comme on voit dans le jeu, mais autour de la tour Eiffel. Vu d'avion, on aperçoit d'un côté le Palais de Chaillot, le parc du Trocadéro, les avenues qui se croisent, puis le pont en face de la tour : le pont d'Iéna, sur lequel nous allons être déposés pour continuer le combat. Ce lieu grandiose sert de conclusion à la séquence. Malheureusement la tour ne résiste pas à l'état de guerre. Elle tient longuement, comme un colosse, mais les bombardements finissent par avoir raison de ses pieds. Elle se couche lentement sur le côté. La scène se termine sur la vue de ce majestueux colosse effondré.
Si nous avions un regret, ce serait d'être obligé de porter un masque à gaz suite à l'attaque chimique. Ce masque gêne la vue, diminue la taille de l'écran, modifie probablement les couleurs. Dans les captures d'écran que nous plaçons en dessous, l'image porte toujours le contour de ce masque. Impossible de le retirer comme dans Métro 2033. La justification dans le jeu est d'intervenir après une redoutable attaque chimique, mais pourquoi avoir placé cette attaque chimique dans ce lieu ? Etait-ce pour cacher un problème technique, un problème de couleur ? Malgré cette légère gêne, le niveau vaut tout de même amplement le détour !
 
Les images sont des captures d'écran que nous avons prises lors du jeu.
 
 
Boutique de souvenir (remarquer le t-shirt "I love Paris" à droite et le style du "chat noir" en peu partout)

 
 
Le menu dans un restaurant, qui propose "Palourdes au gratin", "Porc à la dijonnaise" et à droite "Saucisson à l'ail"
 
 
La sympathique librairie dévastée, qui propose "Romans, nouvelles, poésie, théâtre, essais, commentaires, livres pour enfants"
 
 
 Paris typique, toits de zinc, cheminées, fenêtres de "chambre de bonnes" en style de lucarne jacobine et l'inévitable tour Eiffel
 
 
 Géographie du Trocadéro, palais de Chaillot, parc, avenues, pont d'Iéna, puis la tour Eiffel
 
 

mercredi 26 avril 2017

Le FPS : histoire et définition d'un genre vidéoludique

Nous publions cet article de 2014 aujourd'hui, quoiqu'il ne soit plus très à jour et que la fin relève du brouillon. La raison en est que nous avons un très gros projet en cours et qu'il faut lui faire de la place.


Le FPS, ou "first person shooter"
 
Le genre du FPS a produit parmi les plus grands jeux vidéo par le passé, mais aujourd'hui il semble atteindre ses limites. Les FPS les plus récents sont les énièmes versions des mêmes succès : Call of Duty (il n’y a même plus de numéro : les développeurs ont arrêté de compter), Battlefield (on arrive au 4). Il est donc temps de revenir sur le genre d'une manière théorique pour évaluer quelles limites peuvent encore être dépassées.
Le FPS est-il un genre ?
Il y a de la généricité, puisque dans d'autres genres il y a des tirs à la première personne.
Certains jeux sont FPS du début à la fin.

Les jeux vidéo sont inspirés des jeux les plus archaïques et les plus enfantins : cache-cache, labyrinthe, chat perché, chamboule-tout.
Les ancêtres du genre nous montrent que le FPS est un mélange inédit de labyrinthe et d'arcade. D'un côté il fallait trouver son chemin, de l'autre éliminer des ennemis. Le FPS a uni les deux, avec pour une spécificité de point de vue : la vue "subjective", du point de vue du sujet. On avait une arme devant soi, il fallait viser aux bons endroits. Mais ici l'arme est affichée sur l'écran, et l'on peut se déplacer assez librement (dans un couloir la plupart du temps).
Voir la scène des yeux du personnage ?
Mais scénarisé.
L'appareil devant nous peut servir à autre chose qu'à tirer : envoyer des trousses de soin, poser des mines. Il peut même servir à autre chose qu'à tuer : dans Portal 1 et 2, il sert à déplacer des portails ! Il y a des membres qui surgissent, bras, mains. Dans Bioshock des seringues pour recharger les pouvoirs.
 
 

Plusieurs définitions :


  • First Person Shooter
  • Jeu d'action à la première personne.
  • Jeu où l'on joue du point de vue des yeux du personnage.
  • Jeu de visée.


La définition "jeu où l'on joue du point du vue des yeux du personnage" est imprécise. Elle part du point de vue, ce qui n'est pas le critère le plus pertinent : certains jeux permettent de changer les points de vue, comme Skyrim.
De plus le point de vue est une illusion, puisqu'on voit rarement les pieds du personnage, ou même son nez. (Une exception, découverte en 2017 : dans Dying light, on voit le corps de son personnage en regardant vers le bas !)

Jeu qui affiche une arme fixe en bas de l'écran et un viseur au milieu.

Jeu qui mêle des éléments d'agilité de déplacement, de labyrinthe, de visée.


Jeu où l'enjeu principal est de viser et tirer au moment décisif.
Les RPG à la première personne ne reposent pas entièrement sur la façon de viser. Si on a les bonnes potions et les bonnes capacités, on peut s'en sortir même en tirant à côté.

Les ancêtres :

·         Maze War (pas besoin de viser)

·         Wolfenstein 3d (un peu de visée)

·         Doom

·         Half Life

Réunion du jeu de visée dans une pièce où le viseur bouge et du labyrinthe où il faut trouver son chemin malgré les obstacles.

 

La dimension multijoueur est un élément qui est apparu très tôt dans l'histoire du FPS : est-ce nécessaire au vrai FPS ?

 

samedi 29 mars 2014

Les écrits restent les vidéos s'envolent : 3615 Usul La culture

3615 Usul – La culture
 
Fameux épisode de cette fameuse chronique... Mais Internet semble vouer toute pensée à sa disparition : les épisodes d'Usul disparaissent peu à peu. Voilà pourquoi nous nous proposons de donner une transcription écrite de l'épisode, destinée à mieux résister au temps.

-       Oh, moi je jette mes mégots dans la rue, par terre, je m’en fous.
-       Ouais d’ailleurs je me disais, au fait, comment t’arrives à bien rendre ce côté intello dans les vidéos, parce que moi à côté, j’ai l’air de Patrick Sébastien[1], en fait ?
-       Ah… Ben, écoute : (chanté) la culture, c’est tout simple …
-       Ah non, pas en chanson, s’il te plaît !

 

(Silence)

(Jingle d’introduction)

 

En effet il y a deux sortes de jeux vidéo, ceux qui[2] enrichissent notre culture, et les autres. Alors bien entendu il va être question ici de la culture classique, la culture bourgeoise, celle qui aide à avoir de bonnes notes à l’école et à être bien vu de ses contemporains[3], admiré de la plèbe, respecté, voire craint des patriciens[4].

 

(images de Caesar III)

 

Bien sûr, on pense en premier lieu à ces jeux aux références historiques marquées et au background[5] documenté, tel la série des Caesar, des Total War et évidemment à Civilisation et sa fameuse civilopédie, énorme base de données remplie d’informations sur les peuples, les technologies, l’histoire des idées... Les plus pointus lui préféreront l’exhaustif Europa Universalis, le très pointu Hearts of Iron, ou le scrupuleux Crusader Kings.

Ces jeux ont tout de même en commun d’être destinés à un public de passionnés qui sera ravi d’y trouver un appoint satisfaisant à sa culture historique. Mais les jeux qui vous nous intéresser ce jour sont les jeux qui s’adressent au grand public, qui ne requièrent pas une culture d’expert ou un goût prononcé pour les choses de l’histoire.

 

(1 minute 23)

(images de Versailles)

 

Peut-être avez-vous connu cette série de point’n click[6] pc censée nous apprendre plein de trucs sur l’histoire comme Égypte, Versailles ou Venise ? Eh bien ces jeux étaient un peu l’archétype du jeu pour les papas des années 90. Pour ces papas, les jeux vidéo, c’étaient les trucs bruyants de toutes les couleurs, auxquelles vous perdiez des après-midi entières sur la télé du salon. Mais sur pc, là c’était des jeux pc, ce n’était plus des jeux vidéo, ça allait, surtout si cela se voulait culturel.

 

(Sortie d’Usul, entrée de Dorian)

(Musique énigmatique)

 
-       Alors, regarde, c’est génial, ça s’appelle Lascaux. Tu sais où ça se passe ?
-       Dans l’espace ?
-       Alors, là, ça doit être une énigme… J’ai un silex, je clique…
-       Pff, mais c’est chiant[7] comme Drucker[8] ton truc.
-       Ah, ah, regarde, j’ai trouvé une poterie ! Je peux la briser avec mon marteau rudimentaire. C’est passionnant le paléolithique. Tu vois qu’on peut apprendre en s’amusant.
-       Mmh. (Dorian sort)
-       Tiens, un homme de Neandertal. Et … et si je clique sur la bouche, je peux lui parler !
-       (de loin, en voix off) Bien ta grotte ?

 

(Retour d’Usul)

 

Cependant, avouez que ceux qui s’intéressent à ces jeux sont rarement ceux qui ont le plus à en apprendre.[9] Pour draguer un public plus large, il faut l’appâter avec autre chose qu’avec des dialogues relou et des dates exactes. Il faut lui donner du jeu, du bon jeu, du gameplay. Par exemple, pour ce qui est de la mythologie grecque, God of War en a beaucoup plus appris à beaucoup plus de monde que n’importe quel point’n click chiant sur la guerre de Troie ou l’Odyssée d’Ulysse.

 

(Dorian assis derrière un bureau)

 
-        (voix off d’un professeur) Alors, en vous appuyant sur des passages du texte de Chrétien de Troyes extraits de Lancelot, Le Chevalier à la charrette et sur vos connaissances personnelles, vous …
-        (voix de Dorian avec de la réverbération, pour mimer le courant de ses pensées) Oh putain, moi, mes connaissances personnelles sur Lancelot, ça ne va pas plus loin que Kamelot[10], hein... Je peux peut-être me charger un épisode sur mon téléphone si j’arrive à être assez discret.
-        Chandelier ! Vous croyez peut-être que je ne vous vois pas ! Vous comptiez peut-être sur mon strabisme divergent ou sur ma mansuétude naturelle[11] ?
-        C’est pas faux.

 

(Usul)

 

Voyez ce pauvre Chandelier, bien en peine de remplir sa copie double … Eh bien pourquoi ne se réfèrerait-il pas tout simplement aux invocations de Final Fantasy ?

 
-        (Dorian) J’invoque les chevaliers de la Table Ronde ! (vidéo de Final Fantasy) Viens à moi, culture classique !
-        Chandelier, ça suffit, vous sortez !

 

4 minutes

 

Celui qui aura pris la peine de s’intéresser à l’origine des noms propres dans Final Fantasy, n’aura pas manqué d’être surpris d’y trouver parfois des références classiques assez pointues.

-        Ça, c’est ce que disait Heidegger dans Être et Temps[12]. Enfin, j’imagine que ça ne vous dit rien, Heidegger ?

-        (Dorian lève la main) Moi, je sais, Heidegger c’est un type de Shinra dans FF VII[13].

 

Et il n’y a pas que Heidegger : Final Fantasy nous aura rendu familier avec beaucoup de figures mythiques marquantes, telles Shiva, Bahamut[14], Odin, Gilgamesh, Siegfried, Léviathan, autant de noms qu’on retrouvera, amusé, dans Les milles et une nuits,  le Mahabharata[15] ou L’Ancien Testament, autour de récits fondateurs de la culture humaine. Plus simplement, on peut penser aussi aux Cyclopes, aux Méduses, aux centaures ou aux Minotaures, à ces monstres qui peuplent notre imaginaire collectif depuis des millénaires, et qu’on retrouve dans les romans, les poèmes, les œuvres dramatiques. Ils sont autant de références que l’on peut être heureux de partager avec nos ancêtres les plus lointains, nos prédécesseurs les plus illustres …

-        Chandelier !




[1] Présentateur de télévision réputé pour sa lourdeur.
[2] Formule désormais célèbre qui ponctue chaque épisode des 3615 Usul.
[3] Analyse de la culture dérivée de la critique de Bourdieu.
[4] Plèbe, patriciens : catégories sociales de la Rome antique. Usul emploie cette expression pour évoquer toutes les classes sociales, à une époque où l’idée d’une supériorité de la haute culture n’était pas remise en question.
[5] Terme emprunté à l’anglais pour désigner l’univers, le décor, l’époque où se passe un jeu vidéo.
[6] Genre de jeu qui se joue à la souris, qui met en avant l’association d’idées et non l’action.
[7] Terme populaire et grossier pour « ennuyant ».
[8] Autre présentateur de télévision.
[9] Habile critique des pratiques vidéoludiques communes.
[10] Nom d’une série télévisée humoristique se passant au Moyen Âge ayant rencontré un grand succès populaire.
[11] Deux expressions empruntées au vocabulaire savant, le premier scientifique et le second moraliste. Le strabisme est un problème de convergence entre les yeux et la mansuétude une tendance naturelle  à la bienveillance.
[12] Livre philosophique réputé pour sa difficulté.
[14] Nom d’un dragon, dans les récits fondateurs arabes et bibliques.
[15] Épopée hindoue.